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coexistence pacifique des peuples
19 novembre 2012

Richesse et pauvreté en islam .

sao_paulo_inegalitesUn premier extrême au sujet des biens matériels consiste non pas à vouloir personnellement rester pauvre – ce qui est, comme nous allons le voir, permis pour qui le veut personnellement – mais à l'instituer en doctrine valable pour toutes et tous et à le prêcher, à dire que les biens matériels sont une mauvaise chose, pour laquelle il ne faut pas perdre son temps à travailler.
L'islam n'a pas enseigné cette vision des choses. En effet, pour l'islam le monde, l'argent et les plaisirs terrestres ne sont pas en soi de mauvaises choses ; c'est l'excès d'attachement à ces choses qui est mauvais (comme nous allons le voir plus bas). Allah dit dans le Coran :

"Qui aurait interdit l'embellissement qu’Allah a créé pour ses serviteurs, ainsi que les subsistances pures ?" (Coran 7/32).

 "Et recherche, dans ce qu’Allah t'a donné, la demeure dernière. Et n'oublie pas ta part de ce monde. Et sois bienfaisant [envers les démunis] comme Allah a été bienfaisant envers toi. Et ne sème pas le mal sur terre [par le biais de tes moyens matériels]. Allah n'aime pas ceux qui sèment le mal" (Coran 28/77).

Cependant, un autre extrême existe à ce sujet qui consiste à faire de la course au profit et à la rentabilité un des objectifs de sa vie sur terre. A adopter totalement ou partiellement la nouvelle religion de nombreuses personnes de la planète aujourd'hui, celle dont le credo serait "Toujours plus, toujours plus vite". L'amour des biens matériels occupe alors la place d'une divinité dans le cœur, de même que la poursuite de cet objectif de l'enrichissement toujours plus grand ne s'embarrasse pas de grandes considérations : ni pour l'équilibre des ressources de la terre et des animaux, ni pour les cultures de peuples dits "primitifs", ni pour une plus grande justice sociale, ni pour l'éthique humaine. Le mouvement est lancé, il s'auto-entretient par les forces conjuguées en présence.
On peut se demander par exemple ce que peuvent peser les droits de quelques peuples ou des principes éthiques (d'ailleurs relatifs, puisque c'est la raison humaine qui gère tout) quand en face des sommes faramineuses sont en jeu ? On peut également se demander s'il s'agit réellement d'une valorisation de la place de la femme que la pratique commerciale qui consiste à utiliser les attraits corporels de son corps pour attirer les regards de ces messieurs pour tel produit (savonnettes, parfums, glaces) ou tel autre (voitures) ? Tout est ainsi devenu tributaire du profit et de la rentabilité.

La troisième voie est celle que propose l'islam, selon quoi les biens matériels sont en soi "quelque chose dont Allah a fait un moyen de subsistance pour vous" (Coran 4/5), selon lequel aussi ces biens ne doivent pas être considérés comme un objectif en soi, mais doivent être regardés et considérés comme rien d'autre qu'un moyen pour pouvoir vivre une vie menée pour Allah et pour le bien des autres hommes : "Malheur à celui qui médit et blâme, celui qui a amassé de l'argent et le compte [sans cesse], pensant que son argent le rendra immortel" (Coran 104/1-3). Le Prophète priait ainsi Allah : "O Allah, je cherche Ta protection contre le mal lié au problème de la richesse et contre le mal lié au problème de la pauvreté" (Al-Bukhârî, n° 6014 et 6015, Muslim, n° 589, etc.). La richesse et la pauvreté ont chacun leurs inconvénients et leurs avantages. Le Prophète a donc enseigné de demander à Allah Sa protection contre les inconvénients liés à ces deux choses.

Pauvreté, niveau juste suffisant, ou aisance et richesse ?

Al-faqr : ne pas posséder de quoi couvrir ses besoins : La pauvreté n'est pas quelque chose que l'islam rend obligatoire ou recommandé pour pouvoir vivre avec la présence d’Allah. Au contraire, le Prophète priait ainsi : "O Allah, je cherche Ta protection contre l'incroyance et la pauvreté. – Ces deux choses peuvent-elles donc être citées ensemble ? lui demanda alors quelqu'un. – Oui, répondit-il" (rapporté par an-Nassaï, n° 5485, une version voisine est rapportée par Abû Dâoûd, n° 5090). "O Allah, je cherche Ta protection contre le péché et la dette.Tu demandes souvent d'être protégé de la dette, lui fit-on un jour remarquer. – Il y a des gens, répondit-il, qui, lorsque endettés, mentent lorsqu'ils parlent et ne tiennent pas leurs promesses" (rapporté par al-Bukhârî, n° 798 etc.). "O Allah, je cherche Ta protection contre la famine" (rapporté par an-Nassaï, n° 5468, Abû Dâoûd, n° 1547). "O Allah, fais que ma maisonnée ait comme subsistance ce qui couvre ses besoins" (rapporté par Muslim, n° 1055). L'islam n'a pas donc pas dit à ses adeptes qu'ils devaient rechercher la pauvreté et la famine. Au contraire, comme nous le verrons plus bas, tous ceux qui veulent sortir de la pauvreté et accéder à un niveau de vie suffisant (kafâf) ont l'appui de l'islam.

Cependant, si personnellement un musulman veut rester en-dessous du seuil de pauvreté, c'est son libre choix. En effet, l'islam reconnaît à quelqu'un le droit de faire le choix personnel de vouloir se suffire de très peu , même s'il paraît pauvre à l'égard des normes de la société où il vit et s'il a les possibilités physiques, intellectuelles et sociales d'avoir plus. Le Prophète disait : "O Allah, fais-moi vivre pauvre, fais-moi mourir pauvre, et ressuscite-moi le jour du jugement dans le groupe des pauvres" (rapporté par at-Tirmidhî, n° 2352). Il y a ici deux possibilités concernant le terme que j'ai traduit par "pauvre", et qui, dans le texte de cette parole du Prophète, vient de la racine "maskana". Soit ce mot a été employé ici non pas dans le sens de "pauvreté" (ce que désigne le terme "faqr"), mais dans le sens de "niveau suffisant" (la même chose que ce que désigne le terme "kafâf") : le Prophète aurait donc demandé à Allah de ne pas le faire atteindre "la richesse" (ghinâ), mais de le faire bénéficier du niveau suffisant (kafâf), exactement comme sa maisonnée. Une autre possibilité existe : il se peut que ce mot ait été employé avec le sens de "pauvreté" (en étant synonyme de "faqr") et que le Prophète ait, dans cette parole, demandé à Allah de faire en sorte que, contrairement à sa maisonnée – pour laquelle, comme nous l'avons vu plus haut, il a demandé le niveau suffisant (kafâf) –, lui ne possède même pas ce niveau suffisant ; il s'agit alors d'un choix personnel du Prophète (cf. Tuhfat al-ahwadhî Shar'h Sunan it-Tirmidhî, commentaire de ce Hadîth).

Le choix personnel d'un musulman est donc possible à ce sujet et sera respecté. Cependant, il faut que ce musulman se souvienne que cela ne doit pas le conduire à vivre aux dépens des autres sans raison valable, chose que l'islam interdit. Le Prophète a enseigné que le fait d'avoir recours même à un travail licite mais ne jouissant pas d'un haut statut dans la société valait mieux que de vivre, sans raison valable, aux dépens des autres : "Que l'un d'entre vous porte un fagot de bois sur son dos [et fasse ceci comme travail] vaut mieux pour lui que de demander la charité à quelqu'un, que celui-ci la lui fasse ou non" (rapporté par al-Bukhârî, n° 1968, Muslim, n° 1032).

Al-kafâf : posséder juste ce qui est nécessaire :

Le Prophète priait parfois ainsi : "O Allah, fais que ma maisonnée ait comme subsistance ce qui couvre ses besoins" (rapporté par Muslim, n° 1055). Le Prophète a dit aussi : "A réussi celui qui est musulman, auquel Allah a accordé de quoi subvenir à ses besoins, et qu’Allah a fait se suffire de ce qu'Il lui a accordé" (rapporté par Muslim, n° 1054). C'est donc ce niveau que le Prophète a recommandé.

An-Nawawî commente ainsi le terme "kafâf" : "il s'agit de ce qui est juste suffisant, sans être superflu ni être insuffisant" (Shar'h Muslim). Il s'agit d' "une situation du milieu, en sorte que ni on ne soit touché ni par la faim ni on court à la recherche du superflu et le luxe" (Silsilat ul-ahâdîth as-sahîha, tome 1 p. 254). Cela "permet d'être à l'abri à la fois des difficultés liées au fait d'être riche et à celles liées au fait d'être pauvre" (Fat'h ul-bârî, commentaire du Hadîth n° 6095 rapporté par al-Bukhârî).

La notion du "juste nécessaire" peut bien sûr varier en fonction du lieu et de l'époque où l'on se trouve (Silsilat ul-ahâdîth as-sahîha, tome 1 p. 254 – voir aussi Fiqh az-zakât, p. 617).

Al-ghinâ : l'aisance : posséder plus que le nécessaire :

Posséder plus que le niveau de vie suffisant (al-kafâf), autrement dit accéder à une certaine forme de richesse (al-ghinâ) est également permis, mais l'islam n'en a pas fait quelque chose de recommandé ; c'est seulement permis (mubâh). Il faut de plus se souvenir que l'islam demande à celui qui est riche de savoir gérer sa richesse tant au niveau de son cœur (qu'il n'en fasse pas une "divinité") qu'au niveau de ses actes (acquérir cette richesse et l'utiliser dans le cadre de ce qui est permis). Le Prophète a ainsi dit : "La richesse est permise pour qui est pieux" (rapporté par Ibn Mâja, n° 2141). De plus, le Prophète a demandé que les gens aisés ne méprisent pas ceux qui sont pauvres, mais les aiment, les fréquentent et les aident (les Hadîths sont bien connus à ce sujet).


L'existence de la pauvreté dans la société n'est pas une fatalité : il faut agir à sa résorption :

Le Prophète disait : "Sois heureux de ce que Allah t'a accordé, tu seras le plus riche des hommes" (at-Tirmidhî, n° 2305). Ce Hadîth pourrait laisser croire que l'islam demande au pauvre de rester pauvre. Mais à bien regarder, ce n'est pas là le sens de ce Hadîth, car d'autres Hadîths font l'obligation, pour qui en a les moyens, de travailler, d'autres font l'obligation de subvenir aux besoins de sa famille, des versets font l'obligation aux gens aisés de donner aux pauvres une partie de leurs économies (c'est la zakât). Aussi, ce Hadîth qui demande de se suffire de ce qu'on a concerne en fait la disparité des potentiels entre les hommes. En effet, tout le monde ne peut pas être du même niveau matériel, pour trois raisons :

– d'abord parce que tous les pays du monde n'offrent pas les mêmes possibilités matérielles : certains pays offrent de nombreuses facilités, liées à une grande fertilité, à une grande richesse minière de leurs terres ou encore à une dynamique intellectuelle et sociale, éléments dont d'autres pays ne bénéficient pas autant ;
– ensuite, à l'intérieur d'un même pays, tout le monde n'est pas doté des mêmes compétences physiques et intellectuelles, ce qui conduit forcément à des disparités ;
– enfin, il arrive malheureusement que des malheurs s'abattent sur des individus ou sur des régions entières : il faut alors agir et se mobiliser pour s'en sortir, mais également être patient devant ce qui est arrivé.
Quand l'islam demande que l'on se résigne de ce qu'on a, cela concerne la dimension qui ne peut pas être changée : l'islam demande alors de se résigner sur cette dimension, d'être heureux de ce qu'on a, et de ne pas jalouser celui qui est doté de choses dont on ne peut pas se doter : "Lorsque l'un d'entre vous voit celui qui a été privilégié par rapport à lui sur le plan matériel ou physique, qu'il regarde celui qui a été moins privilégié que lui-même" .(rapporté par al-Bukhârî, n° 6125, Muslim, n° 2963). "Sois heureux de ce que Allah t'a accordé, tu seras le plus riche des hommes". (Tirmidhî, n° 2305). Il s'agit donc ici de la dimension qui ne peut pas être changée : celui qui mesure un mètre cinquante ne fait que perdre son temps s'il se lamente par rapport à celui qui mesure un mètre quatre-vingts : il ferait mieux d'agir dans le cadre de ce qu'il peut faire ; il pourrait même tirer profit de sa petite taille pour s'atteler à faire ce que d'autres, gênés par leur grande taille, ne font généralement pas. Il faut savoir transformer un point faible en point fort.

Pour ce qui peut être changé, il ne faut pas rester les bras croisés mais œuvrer pour changer le cours des choses. A l'intérieur du cadre des possibilités existantes pour un individu donné dans un milieu donné, l'individu peut ainsi, à son niveau personnel, agir pour se sortir de la pauvreté dans laquelle il se trouve. Les autres personnes doivent, au niveau social, agir pour aider l'individu qui le veut à se sortir de la pauvreté dans laquelle il se trouve. Même alors, s'il faut certes agir pour améliorer la situation dans laquelle on se trouve, il faut rester patient et non se lamenter ou se tourmenter sans cesse. "Le cas du croyant est étonnant : tout est bien pour lui. Si un bien le touche, il remercie Allah et c'est donc un bien pour lui. Et si un mal l'atteint, il fait preuve de patience et c'est donc un bien pour lui" (rapporté par Muslim, n° 2999). " Personne n'a reçu de don meilleur et plus vaste que la patience" (rapporté par Muslim, n° 1053). Le fatalisme n'est pas conforme à l'éthique du musulman : en islam, la résignation se fait à l'égard de ce qui ne peut pas être changé, et non à propos de ce qui peut être changé. La patience se fait donc dans l'action et ne signifie pas passivité. La pauvreté n'est donc ni quelque chose que l'islam a rendu nécessaire ou même recommandé, ni même quelque chose qui constituerait une fatalité face à laquelle on ne peut rien faire. Au contraire, l'islam vise à la résorption de la pauvreté, sans pour cela avoir recours à la disparition de la propriété individuelle. Agir pour la résorption de la pauvreté se fait en islam par le travail pour tous ceux qui en sont capables, et par l'entraide et la redistribution de la richesse (par la zakât etc.) pour aider ceux qui sont dans le besoin.

Les biens matériels ne sont en soi pas marqués négativement en islam, qui ne fait donc pas de la pauvreté quelque chose de recommandé. Ils ne sont pas non plus des objectifs en soi en islam, qui ne fait donc pas non plus de la richesse quelque chose de recommandé. Pour l'islam, la richesse (ghinâ) est permise sans être une fin en soi, tandis que se suffire de ce qui est suffisant (kafâf) est ce que le Prophète voulait pour sa maisonnée. Quant à ceux qui souffrent de pauvreté, l'islam rend obligatoire à ceux qui ont les moyens de les aider financièrement, et même de leur donner les moyens de développer leur société.
Aider autrui demande justement qu'on ne soit pas attaché aux biens matériels au point d'en être devenu l'esclave. Relativiser son attachement aux biens, et tenir compte des principes présents dans les sources du Coran et de la Sunna (principes qui limitent et orientent l'activité financière et économique) sont les bases que l'islam offre aux hommes pour leur permettre de mener à bien un développement durable. Un développement qui ne se résume pas à produire toujours plus et toujours plus vite pour vendre plus, se faire plus d'argent et pouvoir alors consommer plus, mais qui tienne compte de l'éthique humaine, des besoins des autres humains et des droits de la nature. "A travers ce qu’Allah t'a donné, recherche la demeure dernière. Et n'oublie pas ta part de ce monde. Et sois bienfaisant [envers les démunis] comme Allah a été bienfaisant envers toi. Et ne cherche pas à propager le mal sur terre. Allah n'aime pas ceux qui sèment le mal" (Cora

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